Absents et réunis - Claude Roy
Juin 1978
Loleh répète son rôle dans la pièce voisine. Je travaille dans le bureau.
Grand silence de la campagne. Il a fait si beau.
La chouette chevêche dans le jardin de nuit, autour de la maison tapie,
l'oiseau qui ne possède que sa voix, qui ne recèle que son cri,
la voletante de velours qui dit (deux notes couleur d'eau):
"Je suis je vole ici et là je possède le noir et l'ombre m'abolit.
J'habite le secret et minuit m'accomplit."
La lampe allumée et le chat qui dort.
J'entends ta voix à travers la cloison qui murmure les mots de théâtre jusqu'à ce qu'il soient devenus les mots de ta vie.
Ta voix qui dit redit répète reprend relit relie presse et supplie sombre surgit résonne revient lit et revit, ta voix qui dit.
"Je suis celle-ci, une et plusieurs, l'autre et ici, et celle-là."
La page blanche est devant moi. Le plateau nu est devant toi.
Mouvements d'aile dans la nuit, de ton travail à mon travail, de tes pensées à mes pensées, et un vif éclair de tendresse derrière le ciel sérieux.
Tu es. Je suis. Nous deux séparés, l'un de l'autre absents- et réunis.
Claude Roy, in Permis de séjour, Folio Gallimard
Loleh répète son rôle dans la pièce voisine. Je travaille dans le bureau.
Grand silence de la campagne. Il a fait si beau.
La chouette chevêche dans le jardin de nuit, autour de la maison tapie,
l'oiseau qui ne possède que sa voix, qui ne recèle que son cri,
la voletante de velours qui dit (deux notes couleur d'eau):
"Je suis je vole ici et là je possède le noir et l'ombre m'abolit.
J'habite le secret et minuit m'accomplit."
La lampe allumée et le chat qui dort.
J'entends ta voix à travers la cloison qui murmure les mots de théâtre jusqu'à ce qu'il soient devenus les mots de ta vie.
Ta voix qui dit redit répète reprend relit relie presse et supplie sombre surgit résonne revient lit et revit, ta voix qui dit.
"Je suis celle-ci, une et plusieurs, l'autre et ici, et celle-là."
La page blanche est devant moi. Le plateau nu est devant toi.
Mouvements d'aile dans la nuit, de ton travail à mon travail, de tes pensées à mes pensées, et un vif éclair de tendresse derrière le ciel sérieux.
Tu es. Je suis. Nous deux séparés, l'un de l'autre absents- et réunis.
Claude Roy, in Permis de séjour, Folio Gallimard