Poème de la sérénité retrouvée, il est reconnu par Le Clézio comme "l'un des plus beau poèmes que la langue
française a portés, l'un des plus purs et l'un des plus vrais". Ainsi, dans ce monde à la dérive, le poète voyage vers
ce qui semble être un refuge pour les "vieux cormorans abatus", frêres des albatros baudelairiens. L'iceberg, "libre
de vermine", serait le lieu de ceux en quête de poéthique. Là, le langage s'oppose à la "langue du commerce des
hommes avec les hommes, la langue de la séduction".
Mais qu'allons-nous devenir, alors que la vermine a fait fondre la glace! Remettons-nous en quête vers un nouveau
lieu pour un nouveau (ou très ancien) langage!
"La voix traverse la mer, elle avance vite au ras de l'eau, entre les blocs de glace étincelants. Mais personne ne
l'entend , personne ne lui répond. Ici est le pays du langage pour soi-seul, de la parole sans limites".
Le Clézio, in Sur Michaux
Icebergs, sans garde-fou, sans ceinture, où de vieux cormorans
abattus et les âmes des matelots morts récemment viennent s'accouder
aux nuits enchanteresses de l`hyperboréal.
Icebergs, Icebergs, cathédrales sans religion de l'hiver éternel,
enrobés dans la calotte glaciaire de la planète Terre.
Combien hauts, combien purs sont tes bords enfantés par le froid.
Icebergs, Icebergs, dos du Nord-Atlantique, augustes Bouddhas gelés
sur des mers incontemplées. Phares scintillants de la Mort sans issue, le
cri éperdu du silence dure des siècles.
Icebergs, Icebergs, Solitaires sans besoin, des pays bouchés, distants,
et libres de vermine. Parents des îles, parents des sources, comme je
vous vois, comme vous m'êtes familiers...
Henri Michaux (La Nuit remue)