Haïkus de prison (III), Le transfert - Lutz Bassmann

Publié le par sophie


(...)

Depuis ce matin on n'avance plus
d'après ce que disent le soldats
on est arrivé à destination

Nous nous pressons en silence les uns contre les autres
nous regardons tous en silence
à travers les planches

Quand on ouvre les portes
plusieurs s'attardent l'air de rien
près du trou à pisse

La porte s'ouvre
pendant un instant on a cru
que les soldats n'étaient pas féroces

Personne ne fanfaronne
pourtant on a réussi
à atteindre le bout du monde

On croise des prisonniers inconnus
à contre-jour on ne voit pas
l'état de leur dentition

Le nom du camp est un numéro
c'est plus décourageant encore
que prévu

En tête le roulis du train
dans les oreilles le rythme des roues
déjà les souvenirs s'incrustent

On regarde la barrière barbelée
on ne pense même pas à voir
s'il ya de l'herbe au sol

Chacun espère être employé selon ses compétences
même l'avorteur
s'imagine déjà à pied d'oeuvre

Pour instaurer la discipline
le commandant
tue quelqu'un au hasard dans le fossé

(...)

Lutz Bassmann, Haïkus de prison, Verdier

Publié dans Poésie XXème

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