Les collines matricielles, K. White
Mes poèmes ne sont pas des "poèmes de la nature", mais des poèmes de la terre. La "nature" est trop humanisée. La terre est toujours une force nue, et le sera toujours. Les poètes sont de la terre dans le noir et dans la lumière.
Il y a une expression que je me rappelle avoir lue chez Horace: "sub Jove frigido". Je crois que nous avons trop longtemps vécu sous un Jupiter frigide. Il est temps de re-pénétrer la terre. Nous avons adoré l'infini jusqu'à ce qu'il nous ait rendus fous. Abandonnez l'infini - retournez dans le sein, et , de là, à l'immédiat.
Avant qu'aucun progrès réel soit possible, il doit s'opérer une grande descente. Nous avons tenté de vivre au-delà de la terre. Il nous faut apprendre à vivre dessus.
C'est chose futile de progresser de plus en plus avant dans un désert. Nous devons faire retour aux eaux vives.
En tant que poète, je me sens en contradiction avec l'histoire et la civilisation. La civilisation est pour les prêtres, les ingénieurs et les hommes d'affaire - pour tout ceux que vous voudrez; mais pas pour les hommes vivants.
La civilisation est un refus de la terre; par ce refus, elle escamote les fondements mêmes de l'existence. De là, parmi un ramassis de fabrications, sa pauvreté existentielle.
La poésie, c'est la plénitude existentielle.
Kenneth White, in En toute candeur, in Mercure de France